L’avenir est senior et c’est l’heure d’agir

L’état du marché du travail est influencé par plusieurs facteurs :

• Au Canada, les départs à la retraite sont plus nombreux que les arrivées sur le marché du travail.
• Les prévisions suggèrent que l’économie québécoise reprendra le chemin de la croissance dès la fin de 2024, ce qui pourrait accroître les besoins d’embauche.
• L’afflux massif d’immigrants temporaires a permis de combler plusieurs des besoins dans différents secteurs. Or, le gouvernement fédéral a annoncé vouloir réduire la part des immigrants temporaires dans la population.
• L’automatisation et l’intelligence artificielle bouleversent et continueront de bouleverser certains secteurs d’activité et méthodes de travail.

Ces facteurs démographiques, technologiques, sociaux et économiques amènent les gouvernements à adapter leurs politiques pour favoriser l’apport de certains groupes de travailleurs sur le marché du travail. L’une des stratégies préconisées est l’embauche et la rétention des travailleurs expérimentés, que ce soit en offrant des incitatifs pour le maintien en emploi ou en adoptant des mesures comme l’augmentation de l’âge légal de la retraite.

Dans ce contexte, pourquoi votre entreprise ne pourra pas
se passer des 60 ans et +?

Comme l’indiquent plusieurs spécialistes, la résolution de la pénurie de main-d’œuvre ne peut passer par une seule stratégie (ex. : l’embauche des personnes immigrantes ou l’automatisation). L’amélioration de la productivité et l’utilisation de plusieurs méthodes pour combler vos besoins en main-d’œuvre sont la clé du succès pour affronter les années à venir.

En ce qui concerne les travailleurs expérimentés plus particulièrement, voici quelques faits présentant l’apport actuel et futur de ce bassin de travailleurs sur le marché du travail :

• Entre 2005 et 2021, le taux d’emploi des 65-69 ans a augmenté de 16 % à 25 % chez les hommes et de 9 % à 16 % chez les femmes.
• Près du quart de la main-d’œuvre disponible avait 55 ans et plus au Québec en 2021.
• Le nombre de personnes aînées sur le marché du travail a triplé depuis 2005.
• Les 60-64 ans avaient un taux d’emploi de 52,8 % et les 65-69 ans, un taux de 28,7 % en 2023.
• Près du quart de la population québécoise aura 60 ans et plus en 2030.

Malgré tout, selon des sondages réalisés par le Conseil du patronat du Québec :

Il convient donc d’agir dès maintenant, préventivement, à l’aide de mesures qui auront un effet plus significatif sur les 40-59 ans, qui commencent à penser à leur retraite. Des mesures préventives sont d’autant plus importantes lorsqu’on sait qu’il est plus difficile d’embaucher des retraités que de maintenir en poste des travailleurs en fin de carrière.

L’importance de la diversité en entreprise

Embaucher et retenir des travailleurs expérimentés et retraités de façon efficace nécessite de revenir sur la notion de la diversité en entreprise.

Selon HEC Montréal : « La diversité est un concept large, qui renvoie à nos différences et à la pluralité de nos expériences. Ses marqueurs sont multiples. Ce peut être une origine ethnique, l’appartenance à une religion ou à un groupe racisé. Mais il peut s’agir de nombreuses autres caractéristiques : l’âge, la condition sociale, le handicap, l’identité ou l’expression de genre, la langue, l’orientation sexuelle, les convictions politiques, le sexe, par exemple. »

En effet, lorsqu’on parle de diversité, notre premier réflexe est de penser à certaines catégories plus « évidentes » de travailleurs. Cependant, les personnes expérimentées et retraitées doivent également être considérées en gestion de la diversité dans les organisations.

Avantages de la diversité : innovation, perspectives différentes, dynamisme accru

Que ce soit pour les personnes retraitées ou toute autre catégorie de travailleurs dits « diversifiés », il existe de nombreux avantages à les inclure dans vos équipes de travail.

L’ouverture à l’embauche de personnes issues de la diversité élargit le bassin potentiel de talents, facilitant ainsi le recrutement, mais permettant aussi de :

D’autant plus que valoriser la diversité dans votre entreprise contribuera à réduire les stéréotypes et les préjugés.

Les préjugés envers les travailleurs expérimentés

Lenteur, manque de compétences informatiques, manque de motivation…

Au Canada, un sondage réalisé auprès de 3 000 personnes de 55 ans et plus a révélé que 48 % d’entre elles disent avoir été victimes d’âgisme (Forum fédéral, provincial et territorial des ministres responsables des aînés, 2023).

Alcover et coll. (2021) rapportent que les stéréotypes les plus fréquents envers les travailleurs expérimentés sont que :

• Leurs compétences ne sont plus à jour
• Ils ont peu d’intérêt à s’investir dans la mission et les activités d’une entreprise parce qu’ils préparent la fin de leur carrière
• Ils sont souvent résistants au changement
• Ils sont plus à risque de s’absenter pour des raisons de santé

Par leur persistance, ces stéréotypes ont une incidence sur les décisions et les mesures des employeurs, plus particulièrement dans les politiques et les pratiques de gestion des ressources humaines. Cela peut faire en sorte que les opportunités de carrière, de participations à des projets, d’accès à de la formation ou à de nouveaux défis peuvent être limitées (Alcover et coll., 2021). Ces incidences peuvent à leur tour nuire à la motivation et à l’implication des travailleurs expérimentés qui peuvent se sentir dévalorisés. Ultimement, cela peut les amener à internaliser l’âgisme, ce qui a un impact négatif sur leur épanouissement et leur performance au travail.

Il s’agit donc d’une prophétie autoréalisatrice dans laquelle les préjugés alimentent des comportements et des prises de décision, qui alimentent à leur tour les préjugés…

Preuves et exemples pour démystifier les préjugés

Les préjugés au cœur de l’âgisme reposent avant tout sur des caractéristiques biologiques liées au processus de vieillissement, ce qui implique et alimente les stéréotypes et les discriminations (Rennes, 2020).

Cela représente souvent une perspective rigide et limitée, ignorant certaines connaissances scientifiques montrant que le vieillissement est un processus présentant des différences individuelles, influencées par des facteurs comme la génétique, l’alimentation, les expériences personnelles, les situations médicales ainsi que les conditions d’hygiène de vie (Rennes, 2020).

En effet, « […] la recherche en psychologie et en gérontologie qui, depuis le milieu des années 1950, a démontré l’existence de décalages importants entre l’âge chronologique et l’âge subjectif. En moyenne, les seniors ont tendance à se percevoir de 10 à 15 ans plus jeune que leur âge. L’ampleur de cette différence soulève la nécessité d’examiner les perspectives d’utilisation de l’âge perçu comme critère de segmentation du marché des plus de 50 ans. » (Guiot, 1999)

D’où l’importance, dans un contexte professionnel, de distinguer l’âge chronologique, en années de la personne, de son âge subjectif, de favoriser le bien-être au travail des personnes expérimentées. En résumé : on doit éviter de tirer des conclusions hâtives sur les capacités de la personne en se basant exclusivement sur son âge chronologique.

Les atouts des travailleurs expérimentés et retraités

En plus du fait que les préjugés envers cette catégorie de travailleurs sont souvent infondés, vous avez tout à gagner à embaucher des retraités :

Et tout à perdre en laissant l’expérience vous filer entre les doigts :

• Perte d’expertise et de mémoire organisationnelle.
• Coûts de remplacement élevés de la main-d’œuvre, jusqu’à six à neuf mois de son salaire annuel en frais de recrutement et formation.
• Un roulement élevé peut démotiver les employés restants, augmenter le stress et faire vivre un sentiment d’instabilité à vos employés, qui pourraient donc être moins productifs, ou pire, quitter l’entreprise.

Par ailleurs, les attentes des générations futures en termes de conciliation travail-vie personnelle sont élevées. Les étudiants d’aujourd’hui sont les seniors de demain : ne pas s’adapter = perdre en compétitivité et en productivité.

Découvrez trois employeurs qui ont vu des impacts positifs dans leur entreprise à la suite de l’embauche de cette catégorie de travailleurs : Best Buy, Lemieux Nolet et la Ferme Bédard Blouin.

Conseils pratiques pour embaucher des travailleurs retraités

Voici quelques trucs pour attirer les travailleurs retraités dans vos rangs :

• Personnalisez votre offre d’emploi en mettant en avant des éléments qui correspondent à leurs besoins et aspirations.
• Optez pour des horaires flexibles et des postes à temps partiel ou contractuel.
• Mettez en avant les possibilités de télétravail et les opportunités de partage de connaissances.
• Mentionnez clairement votre désir d’embaucher des retraités et utilisez des témoignages pour renforcer votre message.
• Adoptez un processus de recrutement simple et transparent et n’oubliez pas de faire un suivi à tous les candidats pour montrer votre respect et votre professionnalisme.
• Respectez l’entente de départ. Les retraités jonglent entre vie personnelle et professionnelle, mais la priorité reste leur vie personnelle. Si les besoins sont plus grands et plus nombreux, ils pourront accepter pour vous dépanner, mais attention, un emploi à temps partiel qui se transforme en poste permanent à temps plein pourrait les pousser à partir.

Pour en savoir plus sur le sujet, découvrez notre article complet.

Conseils pratiques pour retenir des travailleurs expérimentés

De nombreuses recherches se sont penchées sur les facteurs et sur les méthodes de rétention des travailleurs expérimentés en milieu de travail. Voici une suggestion d’actions par étapes, appuyées par la recherche, qui vous aideront à garder vos travailleurs expérimentés dans vos rangs :

• Identifier et préparer le terrain avec les personnes dès la mi-carrière (45 ans et plus).
• Recenser les défis liés au travail, les attentes, les envies et les besoins de ces personnes.
• Engager un dialogue pour identifier des aménagements possibles et des solutions pertinentes et réalisables afin de prolonger la contribution des ressources en fonction des besoins (réduire la charge de travail, varier les tâches, aménagement d’horaire, etc.).
• Évaluer la pertinence d’intégrer des ressources externes pour les travailleurs qui vivent des difficultés (conseillers d’orientation, ressources humaines, santé, etc.).
• Mettre en oeuvre un plan d’action et de suivi des mesures identifiées (mise en place de pratiques de développement professionnel, transfert de connaissances, réduction des heures de travail, formation, etc.).

À la lecture de ces étapes, peut-être vous dites-vous :

« Oui, mais je ne veux pas créer de précédent. » Certains changements organisationnels peuvent être applicables et favorables à l’ensemble de vos employés, peu importe l’âge. Exemple: horaire flexible.

« Mes employés doivent être prêts à prendre de grandes responsabilités, je ne veux pas gérer de caprices. » TOUS les postes à TOUS les niveaux exigent-ils VRAIMENT de prendre de grosses responsabilités, tout le temps? Pouvez-vous répartir certaines responsabilités entre deux postes à temps partiel, par exemple?

« C’est trop compliqué et je n’ai pas le temps de gérer toutes ces adaptations. » Diverses méthodologies de gestion du changement sont probablement déjà en place dans votre entreprise (ex. : méthodologie agile). Les principes de souplesse et d’adaptation en faisant partie sont aussi applicables aux changements liés au vieillissement de la main-d’œuvre.

« Ils ne travaillent pas assez vite. » Que voulez-vous dire par « vite »? Par ailleurs, l’expérience contribue souvent à plus d’exactitude et d’efficacité, réduisant le nombre d’erreurs en cours de réalisation de tâches.

Des points clés à retenir

Il faut miser sur des pratiques qui vont permettre aux travailleurs expérimentés de prendre conscience qu’ils sont importants pour l’organisation et de développer leurs compétences. On peut penser à l’accès à des formations, à des opportunités d’avancement ou alors à la participation à des projets spéciaux.

Un des éléments attendus par les travailleurs en fin de carrière est la possibilité de faire bénéficier les collègues de leurs connaissances. D’un point de vue de l’employé, cette pratique permet de les valoriser. D’un point de vue organisationnel, cela assure une continuité dans les connaissances, mais également la création d’une mémoire organisationnelle.

En mettant en place ces pratiques, vous pourrez répondre aux besoins de vos travailleurs notamment en lien avec l’autonomie, la flexibilité et le plaisir au travail, mais aussi la stimulation professionnelle, la reconnaissance et l’utilité sociale. Ces éléments sont tous des facteurs de motivation qui permettent de maintenir des ressources dans une entreprise (qu’elles soient nouvelles ou expérimentées). Cependant, il ne s’agit pas d’une garantie que l’employé va rester. Il existe aussi des facteurs personnels dans la prise de décision (santé des proches, situation familiale, situation financière), mais au moins vous aurez mis les chances de votre côté.

Soyez à l’avant-garde, embauchez l’expérience

Pour conclure, l’intégration des travailleurs expérimentés et des retraités dans votre entreprise n’est pas seulement une réponse à la pénurie de main-d’œuvre, mais aussi une occasion d’améliorer votre performance et votre compétitivité. En valorisant l’expérience et en promouvant une culture d’inclusion, vous pouvez bénéficier d’une diversité de perspectives, renforcer vos équipes et créer un environnement de travail plus résilient et innovant.

Prêt à agir? Évaluez vos besoins, adaptez vos pratiques et ouvrez vos portes à cette richesse humaine.

Découvrez nos autres articles pour plus d’informations et de conseils pratiques sur l’inclusion des travailleurs expérimentés en entreprise : https://experienceenaction.ca/blogue/

Publiez vos offres d’emploi et accédez à un bassin de talents expérimentés : https://experienceenaction.ca/espace-employeur/

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Sources de l’article : Projet 60 ans et plus, Conseil du patronat, plateforme Re :Travail, Institut du Québec et Statistiques Canada.